Dermatophytoses: cas clinique et données utiles

Commémoratifs et anamèse

Gala est un chat femelle non-stérilisée, de race Maine Coon, d’environ 3 mois.

Gala présente des croûtes qui sont apparues à l’intérieur de la cuisse et qui se sont étendues à l’ensemble du corps en une semaine. Elle présente également un prurit marqué qui s’intensifie au fur et à mesure de l’extension des lésions. Gala est par ailleurs de plus en plus fatiguée.

Gala a été adoptée dans un élevage moins d’un mois auparavant. Elle vit en maison avec accès à l’extérieur. Elle mange une ration industrielle pour chaton, donnée par l’éleveur. Elle a reçu sa primo vaccination et une pipette de sélamectine en spot on (Stronghold®) la veille de son adoption, chez l’éleveur.

Après questionnement, la petite fille de la famille présente une lésion érythémateuse circinée sur l’abdomen.

Bon à savoir:

  • la détermination de la prévalence et de la prédisposition raciale est difficile à évaluer.
  • les dermatophytoses sous-cutanées ont été rapportées essentiellement chez le chien Yorkshire Terrier et le chat Persan.
  • les activités de chasse et de travail augmentent le risque d’exposition aux spores de dermatophytes et donc de dermatophytose cutanée superficielle ou nodulaire.
  • les rétroviroses félines (FIV et/ou FeLV) de chat isolé n’augmentent pas le risque de contamination.

Examen clinique dermatologique

  • Examen à distance

Gala présente des lésions nummulaires alopéciques réparties sur l’ensemble du corps : la face, le crâne, le tronc, le ventre, la face interne des membres et la queue.

  • Examen dermatologique rapproché

Les lésions observées sont toutes similaires : ce sont des lésions nummulaires érythémateuses, très squameuses voire croûteuses et alopéciques. Elles sont parfois coalescentes formant des de larges zones, particulièrement en région ventrale.

Gala a été tranquillisée pour permettre une tonte du corps afin de mieux visualiser l’étendue des lésions (photos 1 et 2).

Photo n° 1 : Vue rapprochée de la région dorsale après tonte. Notez ces lésions nummulaires squamo-croûteuses.

Photo n°2 : Vue rapprochée de la région ventrale après tonte. Notez les larges zones érythémateuses et squameuses.

 

 

 

 

 

 

 

 

Gala présente une dermatose aiguë, secondairement et fortement prurigineuse, extensive, multifocale, intéressant la tête, dos, le ventre, les grands plis, la queue avec des lésions nummulaires érythémateuses et alopéciques et squamo-croûteuses, parfois coalescentes.

Hypothèses diagnostiques

  • Dermatophytose
  • Ectoparasitose (Cheyletiellose, Trombiculose, Démodécie)
  • Complication infectieuse secondaire (bactérienne ou fongique)
  • Dermatose allergique (DAPP, HS alimentaire ou Syndrome Atopique Félin)

Examens complémentaires réalisés

  • Examen en lumière de Wood: l’examen révèle des zones fluorescentes jaune-vert en bâtonnets à la base des poils caractéristiques sur toutes les lésions observées. Le résultat est positif.

Bon à savoir sur la lumière de Wood:

  • Seul Microsporum canis entraîne une fluorescence due à la ptéridine synthétisée dans le cortex ou la medulla de la tige pilaire.
  • La fluorescence est observé surtout la quasi totalité des cas à Microsporum canis.
  • La fluorescence doit être verte, en forme de bâton autour de la base de la tige pilaire, et non jaune comme apparaît les exsudats. Attention aux faux positifs!
  • Les traitements topiques n’effacent pas artificiellement la fluorescence.

 

  • Test à la cellophane adhésive: l’examen ne montre aucun élément figuré, seulement des polynucléaires neutrophiles dégénérés.
  • Examen direct de poils (trichogramme): l’examen permet l’observation de spores réfringentes en amas autour de la racine du poil et des filaments mycéliens (photo n°3).

Photo 3: racine d’un poil teigneux, grossissement x40. Notez la présence d’éléments mycéliens et de spores en amas autour du poil. La structure du poil n’est plus conservée.

  • Culture fongique: échantillon envoyé au laboratoire d’analyses de dermatologie, parasitologie et mycologie d’ONIRIS: après ensemencement sur milieu de Sabouraud-Chloramphénicol-Actidione (SCA) et incubation à 27°C pendant 7 jours, 13 colonies de Microsporum canis se sont développées dès le septième jour. 

Bon à savoir:

  • Il n’y a pas de test « gold standard » mais une combinaison de plusieurs tests complémentaires.
  • Le prélèvement pour le laboratoire peut être réalisé avec une moquette stérile, une brosse à dent stérile, des poils ou le produit d’un raclage cutané.
  • Les milieux de culture DTM (observation d’une pousse d’hyphes et d’un changement de couleur du support dans un certains délai) à réaliser à la clinique sont à utiliser avec précaution. En effet,  ils sont sources de nombreux faux-positifs: certains contaminants fongiques possèdent les mêmes caractéristiques que les dermatophytes. Un diagnostic de certitude doit passer par la technique du drapeau de Roth: (observation au microscope des conidies et diagnose d’espèce) ce qui demande une certaine expérience.
  • Quelque soit la méthode de diagnostic, les faux-positifs et faux-négatifs sont dus à une mauvaise manipulation, un mauvais équipement, un défaut d’expérience ou une mauvaise technique.

Conclusion: 

Gala est atteinte de dermatophytie à Microsporum canis.

Traitement:

  • Tonte de l’animal

Préalablement à la mise en place du traitement, l’animal atteint doit être tondu en observant des précautions particulières pour le manipulateur : port de gants, de blouse intégrale, de lunettes, et la tonte s’effectue sur un sac plastique type sac poubelle ouvert afin de récolter un maximum de poils infectés tondus. Le matériel sera par la suite désinfecté avec une solution adéquate, et les instruments seront passés à l’autoclave. La tonte permet de diminuer la charge parasitaire et de faciliter l’application des topiques.

  • Traitement topique

La seule molécule à la fois efficace et qui possède une AMM pour le chat dans cette indication est l’énilconazole (Imaveral®). La solution est diluée à 0.2% dans de l’eau et appliquée avec un brossage sur tout le corps de l’animal, à raison de 2 fois par semaine pendant plusieurs semaines (au moins 4, voire 6). Ce traitement est à appliquer sur l’animal présentant des lésions mais aussi sur les congénères asymptomatiques.

Bon à savoir:

  • Le miconazole, sous forme de shampooing à 2% associé à la chlorexidine (Malaseb®), ne possède pas d’AMM pour les dermatophytoses mais sont reconnus efficaces.
  • les shampoings au miconazole sont efficaces in vitro mais in vivo, il est reconnu efficace lorsqu’il est couplé à la chlorexidine.
  • La chlorexidine seule est inefficace.
  • Le traitement topique ne doit pas être considéré comme une monothérapie, mais être couplé à une thérapie systémique, même pour les formes localisées.
  • Traitement systémique

Le traitement antifongique  externe choisi est l’énilconazole (IMAVERAL®), à raison de 2 bains par semaine pendant 1 mois. Le produit est appliqué à l’aide d’un gant ou une éponge imbibée, est laissé posé quelques minutes puis est rincé afin de limiter l’ingestion du produit.

Le traitement systémique  choisi est l’itraconazole (ITRAFUNGOL®) à la dose préconisée de 5 mg/Kg/j par voie orale, en cures de 3 fois une semaine avec un arrêt du traitement d’une semaine entre chaque cure d’administration.

Le traitement du milieu extérieur choisi est CLINAFARM® en pulvérisations.

Gala doit également être confinée à l’intérieur.

Bon à savoir:

  • Un référentiel a été proposé par le groupe d’étude en dermatologie des animaux de compagnie (GEDAC ).  lien vers l’article ici.
  • L’itraconnazole, le kétoconazole et la gréiséofulvine sont les traitements systémiques les plus efficaces contre les dermatophytes. Une meilleure tolérance est observée pour l’itraconazole et certaines contre-indications sont à respecter pour la griséofulvine.
  • Le luféuron n’est pas efficace in vitro contre les dermatophytes, ne prévient pas et n’altère pas la progression de l’infection, ne potentialise pas les autres traitements systémiques, et n’a aucune place dans l’arsenal thérapeutique contre les dermatophytes.
  • le traitement de l’environnement permet d’empêcher une nouvelle contamination.

Suivi

  • J + 5 semaines

L’évolution clinique est favorable : le prurit est moins intense. Gala a retrouvé son comportement habituel de chaton. Les lésions s’améliorent : elles sont moins croûteuses sur la ligne du dos et le ventre, l’érythème est très atténué sur le ventre, quelques squamo-croûtes persistent sur la face, le dos et le périnée (photo 4 et 5).

Photo 4 : vue de la région dorsale après 5 semaines de traitement. Des lésions squamo-crouteuses persistent sur le dos.

Photo 5 : vue de la région ventrale après 5 semaines de traitement. L’érythème est atténué et les squamo-croûtes ont très nettement régressé.

 

 

 

 

 

 

 

 

Il est décidé de prolonger les traitements topiques et systémiques encore 3 semaines (2 semaines d’administration d’itraconazole).

  • J+ 9 semaines

Gala ne présente plus de lésion sur aucune partie du corps (photo 6). Le pelage repousse normalement. L’examen en lumière de Wood est négativé et le trichogramme ne montre plus d’image d’invasion des tiges pilaires.

Photo 6 : Gala après 8 semaines de traitement. Le poil a repoussé et elle ne présente plus aucune lésion.

Il est donc décidé d’arrêter tout traitement et de réaliser une culture fongique 2 semaines plus tard.

Le prélèvement est réalisé à l’emplacement d’anciennes traces lésionnelles du dos à l’aide d’un carré de moquette stérile. Le résultat nous révèle l’absence de dermatophyte.

 

 

 

 

Discussion

Les dermatophytoses du chien et du chat sont des dermatoses fongiques fréquentes et transmissibles à l’Homme. Elles sont principalement causées par Microsporum canis, et  occasionnellement par Trichophyton.

Les dermatophytoses sont extrêmement contagieuses. Le chat se contamine soit par contact direct avec un autre animal infecté, soit par l’intermédiaire de l’environnement qui représente un réservoir de spores. En fonction des conditions ambiantes, les spores peuvent rester infectantes pendant plusieurs mois [2].

L’éleveuse de Gala a été informée du diagnostic de dermatophytie par la propriétaire à la réception des résultats de la culture mycologique. Elle affirme ne jamais avoir eu de problème de cette nature dans son élevage et ne désire pas que nous prenions contact avoir son vétérinaire traitant. Gala n’ayant eu aucun contact avec d’autres animaux depuis son acquisition, on peut penser que la contamination a pourtant eu lieu dans l’élevage. La contamination des congénères, le cas échéant, doit toujours être envisagée.

Les dermatophyties se caractérisent par des formes cliniques très variées. La forme clinique la plus typique est la dépilation nummulaire d’évolution centrifuge, associée à des squames, des croûtes et parfois de l’érythème. Le prurit est d’intensité variable. Chez Gala, c’est le signe qui a alerté sa propriétaire, puis elle a remarqué les premières lésions cutanées. Elle présentait effectivement une forme clinique très typique.

La contamination humaine est très fréquente, tout particulièrement chez la femme, l’enfant et les sujets immunodéprimés. Le cas échéant, elle constitue une aide précieuse au diagnostic, ce qui a été le cas pour Gala. La petite fille de la famille n’en avait pas parlé à sa maman, et c’est au cours de la consultation que sa lésion a été montrée.  Les propriétaires doivent être informés de ce risque de contamination aux autres animaux et à l’homme.

Le diagnostic repose sur l’examen à la lampe de Wood, la mise en évidence d’éléments fongiques par l’examen direct de poils et de squames au microscope et la culture fongique pour l’identification du champignon en cause.

L’examen à la lumière de Wood est seulement évocateur d’une  dermatophytie à Microsporum canis mais n’est pas diagnostique. La fluorescence indique la présence de produits de substances fongiques altérées dans les poils (ptéridine) et permet de suspecter une dermatophytie, sans prouver la présence de spores. Les poils fluorescents doivent faire l’objet d’un examen microscopique direct et d’une culture fongique [5].

L’examen direct des poils ou de squames nécessite du temps et un œil aguerri. L’examen est facilité lorsque les poils sont prélevés en zone fluorescente, et déposés dans une goutte d’agent éclaircissant comme le lactophénol. Avec un peu d’expérience, cette méthode est assez sensible et permet souvent d’initier un traitement avant l’obtention du résultat de la culture fongique [1, 2, 5].

La culture fongique demeure la méthode de choix qui permet un diagnostic définitif et l’identification précise du champignon mis en cause, et de ce fait, d’obtenir  un pronostic quant à la réponse au traitement. Le recours à un laboratoire spécialisé en mycologie est vivement recommandé pour éviter les erreurs d’interprétation comme lors d’utilisation des milieux de culture avec indicateurs de pH vendus par les centrales par exemple [1, 2, 5].

Dans notre cas, les 3 conditions sont réunies : l’examen en lumière de Wood est positif, le trichogramme est très caractéristique et la culture fongique nous donne une réponse compatible avec la clinique.

Les traitements antifongiques topiques et systémiques doivent être associés. Le traitement systémique vise à accélérer la résolution des signes cliniques et le traitement topique à diminuer le risque de contagion et de dissémination dans l’environnement. Le traitement doit durer au moins 4 à 6 semaines. Les corticoïdes sont contre-indiqués. Les animaux atteints doivent être isolés des autres. Une décontamination rigoureuse de l’environnement doit être réalisée. Dans le cas de Gala, l’ensemble des modalités du traitement a été effectué.

L’itraconazole a été choisi pour son innocuité, son AMM dans cette espèce et dans cette indication, et pour sa présentation sous forme de solution buvable. De nombreuses publications ont démontré son efficacité et sa meilleure tolérance, même si la griséofulvine reste une référence historique. Le coût n’a pas été un frein pour la propriétaire [3, 4].

Très lipophile, l’itraconazole d’abord accumulé dans les glandes sébacées, est rapidement redistribué par le sébum. L’accumulation de l’itraconazole dans la peau, dans les poils et les glandes sébacées constitue un réservoir thérapeutique et rend possible une administration par semaine alternée. Trois semaines d’administration correspondent à 7 semaines d’efficacité du produit. Ce type d’administration très original est un avantage puisqu’il permet de réduire le coût du traitement, mais qui reste supérieur au coût des autres molécules. Il faut cependant veiller à bien expliquer au propriétaire sous peine d’erreur d’observance [3, 4]. Gala a reçu en tout 5 semaines d’administration d’itraconazole. En effet, la culture fongique à révélé de nombreuse colonies, rendant le traitement possiblement plus long. De plus, à la fin des 3 semaines d’administration en semaines alternées, Gala présentait toujours de signes cliniques. Il a donc été décidé de continuer l’itraconazole afin d’administrer le traitement systémique au-delà de la guérison clinique.

L’évaluation du traitement doit être méthodique. La guérison clinique survient bien avant la guérison mycologique. Le chat doit être traité deux semaines au-delà de la guérison clinique. Une culture fongique est réalisée après 2 semaines d’arrêt de tout traitement. L’examen en lumière de Wood peut être utilisé pour suivre la guérison mycologique, mais doit être confirmé par une culture fongique de contrôle.

 

Bibliographie

  1. MORIELLO K. A. et al. Diagnosis and treatment of dermatophytosis in dogs and cats. Clinical Consensus Guidelines of the World Association for Veterinary Dermatology. Vet Dermatol 2017; 28: 266-303.
  2. E. Bensignor, C. Darmon-Hadjaje, N. Faivre-Cochet, P.-A. Germain, Pour le conseil
    scientifique du GEDAC, Groupe d’étude en dermatologie des animaux de compagnie de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (AFVAC). Revue vétérinaire clinique (2014) 49, 87—92.
  1. GUAGUERE E., PRELAUD P. Guide pratique de dermatologie féline. Edition MERIAL, Paris, 2000, 200 p.
  1. GUILLOT J. Infections fongiques : actualités thérapeutiques. Prat. Vet. 2010, vol 45, 638-642.
  1. MANCIANTI F. et coll. Efficacity of oral administration of itraconazole to cats with dermatophytosis caused by Microsporum caninum. JAVMA, 1998, vol 213, n°7, 993-995.
  1. MIGNON B. Dermatophytoses: actualités épidémiologiques et diagnostiques. Prat. Vet., 2010, n° spécial dermatologie, 54-60.
  1. VANDAEL E. Dermatophytoses félines: l’itraconazole quitte la réserve hospitalière. Le Point Vétérinaire, 2005, n°253, 14-15.

 

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Les échelles de prurit

Les échelles de prurit

Comme vous avez peut-être pu le constater, un score de prurit est intégré dans mes comptes-rendus de consultation.

Lors des consultations de dermatologie, le prurit fait très souvent partie du tableau clinique : il s’agit du premier motif de consultation en dermatologie vétérinaire. Au cours de la consultation, il est intéressant de pouvoir le qualifier et le quantifier de façon reproductible pour pouvoir suivre son évolution au fil des consultations, en fonction des traitements administrés et évaluer la qualité de vie de l’animal atteint de dermatose prurigineuse, et celle de ses propriétaires. 

Le prurit c’est pas automatique ?

Le prurit est défini comme une sensation désagréable entraînant l’envie immédiate de la soulager par divers comportements dont le grattage, le léchage. Son intensité apparaît très variable en fonction de la dermatose et de sa description par les propriétaires.
Il peut devenir extrêmement pénible à vivre pour les animaux ainsi que par les propriétaires. Il est par conséquent un élément crucial de la notion de qualité de vie des animaux atteints de dermatose prurigineuse, et notamment de dermatite atopique.

Les scores de prurit en consultation

Lors de la consultation, il est important de décrire aux propriétaires les différentes formes de prurit qui peuvent être manifestées par l’animal : grattages, frottements, léchage et mordillements. Ils seront ainsi en possession des éléments importants pour décrire la maladie de leur animal. En effet, une dermatose peut parfois être spontanément décrite comme non prurigineuse, mais lorsque l’on questionne les propriétaires, on découvre que le léchage n’est parfois pas considéré comme une façon de se gratter.

Dans cette vidéo, Lucéro manifeste son prurit par du grattage, du léchage, des mordillements, il ne s’interrompt pas toujours lorsqu’on l’appelle, et ça l’a occupé une bonne partie de la consultation! Imaginez à la maison, l’impact sur la qualité de vie de l’animal, et de celle des propriétaires…

Il apparaît donc intéressant et très pertinent de pouvoir quantifier et mesurer au sens propre du terme, avec le plus de précision possible, un ressenti et une description très subjective des propriétaires.
Avec la sévérité des lésions, l’évolution du score de prurit nous permet d’évaluer et quantifier l’évolution d’une dermatite, ainsi que l’efficacité d’un traitement.

Les différentes échelles de prurit

Il existe différentes échelles de mesure : les échelles numériques, les échelles analogiques, les échelles comportementales, et les échelles visuelles analogues. En cas de prurit, les échelles les plus descriptives dans le comportement semblent plus parlantes pour les propriétaires. Cependant, aucun score n’a été validé de façon consensuelle par les groupes d’experts vétérinaires internationaux.

Les échelles numériques :

0 : ne se gratte pas – 5 : se gratte aussi fort et souvent que l’on puisse imaginer, quel score correspond au prurit de votre chien ? Le prurit inclut les grattages, frottements, léchage et mordillements.

Les échelles analogiques :

      I———I———I———I———I———I
    Prurit                                                           Prurit
   Absent                                                          sévère

Les échelles comportementales :

Ces échelles regroupent un ensemble de plusieurs descriptions de prurit d’intensité variable. Il en existe différentes formes, basées généralement sur des critères comportementaux ou de gravité.

  • Chien normal, pas plus de démangeaisons qu’avant le début de la maladie.
  • Épisodes occasionnels de démangeaisons ; augmentation mineure des démangeaisons par rapport à son état avant le début de la maladie.
  • Épisodes plus fréquents de démangeaisons quand l’animal est éveillé ; pas de prurit lorsqu’il mange, dort, joue ou est distrait.
  • Épisodes réguliers de démangeaisons quand l’animal est éveillé, parfois des épisodes nocturnes ou qui le réveillent ; pas de prurit lorsqu’il mange, joue ou est distrait.
  • Épisodes prolongés de démangeaisons quand l’animal est éveillé, parfois des épisodes nocturnes ou qui le réveillent ; les démangeaisons peuvent se produire lorsqu’il mange, joue ou est distrait.
  • Prurit presque constant ; les démangeaisons ne sont pas interrompues en essayant de distraire l’animal, même en consultation.

Dans l’évaluation du prurit par les propriétaires avec des échelles de prurit, les notes extrêmes sont assez fiables mais les notes moyennes sont plus floues et plus difficiles à préciser.
Il est devenu nécessaire de combiner plusieurs échelles, notamment associer une échelle analogique visuelle à une échelle comportementale. Le seul score ayant réellement été étudié et plus ou moins validé est une échelle analogue visuelle (Hill et al., Vet Dermatol 2008). Cet outil a démontré une certaine facilité d’utilisation, et une relative reproductibilité.

Pour reprendre notre Lucero, sachant qu’il se gratte intensément, qu’il ne s’interrompt pas toujours quand on le distrait, il pourrait être gradé à 8-9 sur l’échelle de Hill.

Dans les essais cliniques, les échelles sont plus complètes, associant l’intensité et la fréquence, et dans un souci de reproductibilité de la notation, les animaux sont équipés de colliers moniteurs d’activité et sont sous vidéo-surveillance, notamment pendant la nuit.

Conclusion

La plupart des échelles de prurit utilisées en dermatologie vétérinaire sont dérivées de méthodes de médecine humaine. Il n’en reste pas moins que chacune présente ses avantages et ses inconvénients, et qu’aucune n’est validée de façon consensuelle. Une standardisation des méthodes de quantification et de caractérisation du prurit paraît nécessaire, à l’instar des scores lésionnels CADESI. Le groupe de travail de l’ICADA (International Comittee for Allergic Diseases of Animals) a été formé afin d’harmoniser les systèmes de cotation et les recommandations dans le diagnostic et la prise en charge de la Dermatite Atopique.

A visiter:

http://icada.org/

http://www.k9ad.net/

Bibliographie

  • Hill, P.B., P. Lau, and J. Rybnicek, Development of an owner-assessed scale to measure the severity of pruritus in dogs. Vet Dermatol, 2007. 18(5): p. 301-8.
  • Rybnicek, J., et al., Further validation of a pruritus severity scale for use in dogs. Vet Dermatol, 2009. 20(2): p. 115-22.
  • Plant, J.D., Correlation of observed nocturnal pruritus and actigraphy in dogs. Vet Rec, 2008. 162(19): p. 624-5. 26.
  • Nuttall, T. and N. McEwan, Objective measurement of pruritus in dogs: a preliminary study using activity monitors. Vet Dermatol, 2006. 17(5): p. 348-51.
  • Cordas, H. Évaluation du Prurit chez les Chiens à Dermatite Atopique: Etat des lieux des connaissances. Editions universitaires européennes, 2011, 88 p.
  • Prélaud, P. Dermatite Atopique Canine. Edition Elsevier Masson, 2017, 188 p.

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Les tests allergologiques chez le chien

Les tests allergologiques chez le chien

La Dermatite Atopique Canine (DAC) est une dermatose inflammatoire et prurigineuse, à composante génétique, survenant chez des animaux jeunes, induisant des lésions à répartition caractéristique, associée à une production d’IgE dirigés contre des allergènes de l’environnement.

Le but des tests allergologiques est de rechercher des sensibilisations à des allergènes de l’environnement.

Rappel sur le diagnostic de la DAC

Le diagnostic d’une dermatite allergique reste avant tout clinique et non fondé sur des examens complémentaires. Il est en effet basé sur :

  • le recueil de commémoratifs et l’anamnèse, qui permettent de retrouver ou non les critères de Favrot et coll., augmentant ainsi la sensibilité et la spécificité du diagnostic,
  • l’exclusion d’une autre cause au prurit comme une ectoparasitose, une infection cutanée ou fongique, et une éventuelle hypersensibilité alimentaire.

Il est alors possible de conclure à une Dermatite Atopique Canine.

Pourquoi des tests allergologiques ?

Bien que les tests allergologiques ne soient pas des outils diagnostics, le dosage des IgE et les Intradermo-réactions (IDR) vont permettre d’identifier les allergènes auxquels l’animal est sensibilisé, de comparer ces résultats avec le mode de vie de l’animal et l’histoire de sa maladie, et de proposer une immunothérapie spécifique incluant les allergènes identifiés.

Il est primordial de retenir que les tests allergologiques n’ont pas une indication diagnostique mais plutôt thérapeutique dans le cadre d’une prise en charge de la DAC par Immunothérapie Spécifique.

Quand doit-on les proposer ?

Ces tests doivent être proposés une fois que le diagnostic de DAC est posé, c’est-à-dire après l’exclusion des autres causes de prurit (parasitaire, infectieuse et alimentaire suite à un régime alimentaire d’éviction-provocation), alors que le prurit persiste.

Il n’y a pas de limite d’âge mais il faut garder à l’esprit que la désensibilisation s’effectue pendant au moins 3 ans, et bien souvent plus longtemps, et qu’il est recommandé de la faire sur un animal de plus d’un an.

L’immunothérapie spécifique faisant partie intégrante de la prise en charge multimodale de la DAC, les tests allergologiques doivent être systématiquement proposés, le plus précocement possible dans l’évolution de la maladie.

Pour les chiens atteints d’allergie saisonnière, bien qu’il n’y ait pas de réelle preuve scientifique, il semblerait préférable de réaliser les tests allergologiques dans les 2 mois qui suivent la saison de l’allergie.

IDR ou dosage des IgE spécifiques d’allergènes ?

Les IDR sont considérées comme le test allergologique de choix, même si certaines techniques in vitro ont montré une bonne sensibilité et une bonne spécificité, en particulier les techniques utilisant la chaîne alpha du récepteur FcεRI des mastocytes qui se lie spécifiquement aux IgE.

Les dosages des IgE, malgré ce que proposent certains laboratoires, ne se limitent qu’à l’exploration des allergies aux aéroallergènes. Le manque de standardisation des extraits allergéniques et des seuils de positivité entraînent une grande variabilité dans les résultats entre les laboratoires.

Les IDR sembleraient plus fiables et devraient être préférées, même si les tests de laboratoires sont très fréquemment utilisés.

Chacune des 2 méthodes présente, malgré tout, ses avantages et ses inconvénients :

Dosage IgE spécifiques d’allergènes

IDR

Pas d’interférence avec les antihistaminiques, les inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine), les dermococorticoïdes et l’oclacitinib

Nécessité d’arrêter tout traitement antihistaminique ou glucocorticoïde 2 semaines avant.

Pas d’interaction avec la ciclosporine et l’oclacitinib.

Réaction in vitro nécessitant une standardisation des extraits allergéniques utilisés et des seuils de positivités

Peu de standardisation des réactifs allergéniques

 
Absence de contrôle qualité des techniques utilisées, sauf pour le FCεRI

Réaction in vivo de la réaction immunitaire cutanée

Sur une simple prise de sang Tranquillisation parfois nécessaire
Pas de problème si la peau est enflammée Nécessité d’une zone cutanée saine
Pas de tonte nécessaire Tonte indispensable

Comment se déroulent les IDR?

L’animal ne doit avoir reçu aucun antihistaminique, ni glucocorticoïde depuis plus de 2 semaines.

Une zone sur la face latérale du thorax est tondue. La peau ne doit être ni irritée ni désinfectée.

Les différents points d’injections sont marqués au feutre indélébile, espacés d’environ 1.5 cm.

0.05 mL de chaque extrait allergénique est injecté par voie intradermique. La lecture se fait 15 à 20 minutes après chacune des injections. La lecture du point d’injection de l’allergène « puce » doit être faite à 48 heures.

Le diamètre de chaque papule est mesuré et comparé à celui du témoin positif : l’histamine, et du témoin négatif : le sérum physiologique.

L’interprétation est avant tout basée sur la cohérence entre les résultats positifs observés et les données anamnestiques et cliniques.

La solution de désensibilisation sera élaborée à la lumière de cette interprétation.

Conclusion

La prise en charge de la DAC est multimodale et doit prendre en considération le système immunitaire, notamment par l’immunothérapie spécifique, mais également la barrière cutanée et le prurit. Les tests allergologiques constituent un outil incontournable dans l’élaboration du plan thérapeutique de l’animal atteint de DAC.

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Alopécie X traitée par le Dermaroller ND

Alopécie X traitée par le Dermaroller ND

Dalton est un chien Spitz mâle, castré, de 7 ans au moment de la première consultation, qui présente une alopécie extensive.

Cette alopécie évolue depuis 1 an: la peau a commencé à noircir sur la ligne du dos, puis le sous-poil est peu à peu tombé, ne laissant que les poils primaires. Puis l’atteinte a concerné l’arrière des cuisses, les cuisses, les flancs puis le cou. Il présentait également une PUPD depuis quelques jours.

Bilan dermatologique: 

Dalton présente une alopécie chronique, symétrique, non prurigineuse, non inflammatoire, intéressant le tronc, les faces postérieurs des cuisses, le cou, avec du poil de bourre, une hyperpigmentation de la peau nue. Les extrémités et la tête sont épargnées. Une PUPD est constatée.

 

      

Hypothèses diagnostiques: 

Démodécie / dysendocrinie (syndrome de Cushing, hypothyroïdie) / alopécie X

Examens complémentaires:

Les raclages cutanés sont négatifs -> exclusion d’une démodécie.

Bilan endocrinien: test de stimulation à l’ACTH douteux, et RCCU négatif -> exclusion d’un syndrome de Cushing.

T4 – TSH dans les valeurs usuelles -> exclusion d’une hypothyroïdie.

Biopsies cutanées: dermatose atrophique avec kératinisation folliculaire trichilemnale (follicules en flammes) sur les 3 biopsies.

Conclusion:

Dalton est atteint d’Alopécie X, le Spitz étant une race prédisposée.

Traitement:

Dalton a été mis successivement et pendant plusieurs mois sous latonine et du minoxidil topique, ce qui n’a montré aucune efficacité dans la repousse des poils.

Dermaroller ND

Suite à la présentation d’un rapport de 2 cas cliniques lors du Congrès Européen de Dermatologie Vétérinaire en octobre 2015 à CracovieSteve Stoll and al. « Microneedling as a successful treatment for alopecia in two Pomeranian siblings », Vet Dermatol 2015; 26: 387–e88 ( cliquez ici pour lire le résumé de l’article ), nous avons décidé d’essayer sur Dalton ce traitement au Dermaroller ND encore à l’étude.

Dalton est tranquillisé et une séance de Dermaroller ND est effectuée sur les zones alopéciques. Le Dermaroller ND est un dispositif qui se présente comme un rouleau avec 540 micro-aiguilles de 0,5 mm. Il est roulé sur les zones alopéciques dans les 4 directions avec une pression modérée, 4 ou 5 fois successives, jusqu’à ce que la micro-circulation sanguine apparaisse. La séance a duré une petite heure. Un réhydratant cutané est appliqué.

                    

Suivi:

J + 3 mois: Dalton est revu 3 mois plus tard: l’alopécie n’a plus évolué: les poils n’ont pas repoussé mais l’alopécie a stoppé sa progression. Sa propriétaire continue d’appliquer l’hydratant cutané 3 fois par semaine, et le protège du froid avec un manteau.

J + 6 mois: la propriétaire a envoyé des photos : les poils ont commencé à repousser. L’amélioration n’est pas aussi bonne que celle décrite dans les cas de Steve Stoll mais une repousse est constatée.

J + 7 mois: les poils continuent de repousser. Un nouveau contrôle est prévu dans 3 mois.

Discussion: 

Quelques mots sur l’Alopécie X: L’alopécie X (arrêt du cycle pilaire) est un trouble de la croissance pilaire relativement fréquent chez le Spitz et plusieurs autres races, caractérisée par une alopécie symétrique, non-inflammatoire sans signe systémique. La cause et la pathogénie restent inconnues. Des traitements systémiques ou topiques précédemment rapportés ont montré une efficacité variable.

Le Dermaroller ND, concrètement, c’est quoi ? C’est un rouleau généralement composé de 540 micro-aiguilles de 0,5 à 2,5 mm de longueur et 1 mm de diamètre. Ces dernières vont permettre une stimulation moyenne et profonde du derme par micro-perforation. Les cellules cutanées réagissent à ces micro-blessures et vont ainsi créer plus de collagène et d’élastine (indispensables au maintien des tissus, donc pour la souplesse et la fermeté de la peau). La technique employée est le micro-needling. Elle est directement inspirée des protocoles de mésothérapie anti-âge pratiqués en cabinet médical. Une des nombreuses indications d’un tel traitement est la calvitie chez l’Homme.

Différence de résultat avec les 2 cas rapportés: dans l’article de Steven Stoll, cinq semaines après la procédure, la repousse pilaire a commencé, suivie d’une diminution de l’hyperpigmentation de la peau atteinte. Après 12 semaines il y avait 90% d’amélioration de la couverture du pelage sur les zones précédemment alopéciques. Douze mois après, les caractéristiques du pelage restaient stables. Aucun effet secondaire n’a été observé.

Dans notre cas, il a fallu attendre 5 mois pour observer un début de repousse. L’hyperpigmentation ne s’est pas atténuée pour le moment.

Conclusions et importance clinique citées l’article: « Ceci est le premier rapport de la repousse pilaire induite par micro-aiguilles chez des chiens atteints d’alopécie X. Des études au long cours sur un plus grand nombre de chiens atteints d’alopécie X sera nécessaire pour confirmer ces résultats préliminaires et évaluer si la repousse pilaire est permanente. »

A suivre dans 3 mois… pour voir si la repousse se confirme, et voir si de nouveaux travaux seront présentés à ce sujet au prochain congrès européen de dermatologie vétérinaire à Lausanne du 7 au 9 septembre.

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Cas clinqiue: Complexe granulome éosinophilique félin: traitement par la ciclosporine

 Cas clinique:

 Complexe granulome éosinophilique félin (CGEF):  

Traitement par la ciclosporine

Le complexe granulome éosinophilique féline (CGEF) est une affection dermatologique relativement fréquente chez le chat, qui entre dans le diagnostic différentiel des dermatites prurigineuses du chat. L’étiopathogénie n’est pas encore entièrement comprise. A la lumière d’un cas clinique, nous présentons la démarche diagnostique et thérapeutique à adopter face à un animal souffrant de cette affection.

Aima est une chatte de race Persan, stérilisée, âgée de 8 ans. Elle est référée par un confrère car elle présente des croûtes sur tout le corps, qui ne rétrocèdent pas aux traitements anti-infectieux et antiprurigineux mis en place.

Commémoratifs

Aima a été achetée en animalerie à l’âge de 3 mois et demi. Elle vit en maison avec accès à l’extérieur mais ne sort pas du jardin. Elle mange des croquettes hypoallergéniques Royal Canin® achetées chez son vétérinaire. Elle est à jour de ses vaccinations, reçoit un traitement antiparasitaire externe à base de fipronil et S-méthoprène (Frontline combo®) tous les mois pendant la période estivale, et un traitement antiparasitaire interne tous les 6 mois.

Anamnèse

Les lésions sont apparues plus de 3 mois auparavant. Aima présentait depuis de nombreuses années des lésions cutanées plus ou moins marquées de squamosis et de prurit. Elle a été vue en consultation par un confrère car son état s’était rapidement dégradé et des croûtes étaient apparues sur le corps et la tête. Il a prescrit du fipronil associé à du S-méthoprène en spot-on tous les mois (Frontline combo®), de la céfalexine pendant 3 semaines, de la prednisolone à raison de 2,5 mg pendant 7 jours. Les lésions se sont améliorées mais se sont aggravées de plus belle dès l’arrêt du traitement antibiotique et anti-inflammatoire. Elle a été revue 1 mois plus tard et le même traitement a été prescrit. Aima est référée suite à l’absence de pérennité de la rémission.

Examen clinique général

La température rectale est de 38, 2 °c. Aima pèse 3, 5 kg. Aucune adénomégalie n’est constatée. L’examen de la cavité buccale ne montre pas de lésion. L’examen clinique général de Aima ne révèle pas d’anomalie.

Examen dermatologique

     Examen dermatologique à distance

L’examen clinique dermatologique à distance montre des lésions allant de 1 à 3 cm, alopéciques, ulcérées à bords surélevés et érythémateux, et croûteuses, sur les flancs, les épaules, le dos et le poitrail (photos 1, 2 et 5) et de plus petites lésions érodées et croûteuses sur les tempes et la base des pavillons auriculaires (photo 3 et 4). 

Photo 1: vue de profil: lésions ulcérées et érythémateuses.

Photo 2: Vue flanc droit.

Photo 3: Vue du profil droit de la tête.

Photo 4: Vue du profil gauche de la tête: les lésions sont érodées et croûteuses.

Photo 5: Vue dos.

 

 

 

 

 

 

Le flanc gauche est plus atteint que le droit. Les conduits auditifs sont sains.

Les lésions sont très prurigineuses et déclenchent un réflexe de grattage lors de leur manipulation. En revanche, on n’observe pas de réflexe otopodal, ni auditopodal.

 

L’intensité du prurit est évaluée par le propriétaire à 8/10.

     Examen dermatologique rapproché

Sur les flancs, les lésions sont des ulcères très érythémateux, à bords surélevés, coalescents et exsudatifs. Le centre des ulcères est parfois atone et nécrotique. Aucune papule, ni pustule n’est observée.

Photo 6: Vue rapprochée des lésions ulcérées du flanc gauche.

Photo 7: Flanc gauche après tonte.

 

Une tonte sous anesthésie générale est réalisée afin de dégager les zones lésionnelles, et de mieux visualiser leur étendue (photos 7 et 8).

 

 

Synthèse clinique

 Aima présente une dermatose chronique, prurigineuse, corticosensible, modérément extensive, multifocale intéressant les tempes, les flancs, le dos, les racines des membres antérieurs avec de l’alopécie, des érosions, des ulcères à bords érythémateux et surélevés et un centre nécrotique, sans atteinte de la cavité buccale ni de l’état général.

Hypothèses diagnostiques

Hypothèse diagnostique Argument en faveur Argument en défaveur Examens complémentaires
Plaque Eosinophilique du CGEF Lésion ulcérative sur l’abdomen / Corticosensibilité Evolution chronique   Cytologie de surface / Biopsies cutanées et examen histopathologique
Lymphome T Epithéliotrope Lésions ulcératives sur l’abdomen / Age / Evolution chronique / Corticosensibilité Lésions peu extensives / Durée d’évolution sans aggravation Cytologie de surface / Biopsies cutanées et examen histopathologique / Immunomarquages
Carcinome Epidermoïde Lésions d’érosion sur la face / Age / Evolution chronique / Corticosensibilité

Lésions ulcératives sur l’abdomen / Pas d’atteinte des pavillons auriculaires ni de la truffe / Couleur

Cytologie de surface / Biospies cutanées et histopathologie / Immunomarquages
Dermatose auto-immune (Pemphigus foliacé) Lésions ulcéro-croûteuses / Evolution chronique / Corticosensibilité Age / Atteinte restreinte de la face et localisation sur l’abdomen / Absence de pustule Cytologie de pustule fermée / Biopsies cutanées et histopathologie

Examens complémentaires

Photo 8: Examen cytologique de surface (coloration RAL®).

Cytologie d’un ulcère par impression sur lame: le calque cutané montre un profil mixte: des éosinophiles (flèche jaune), des neutrophiles et des cocci en position intracytoplasmique (flèche blanche) (photo 8).

Biopsies cutanées et examen histopathologique: 5 biopsies cutanées sont réalisées au Biopsypunch® de 6 mm: deux en bordure de deux ulcères, une dans le centre de l’ulcère, une en zone apparemment saine.

L’analyse histopathologique révèle un derme très infiltré par une population inflammatoire mixte composée majoritairement de macrophages, de polynucléaires éosinophiles, de mastocytes et de quelques polynucléaires neutrophiles associés à un œdème marqué. L’épiderme est modérément hyperplasique et spongiotique avec migration de cellules inflammatoires. Multifocalement, des zones de nécrose de l’épiderme sont observées associées à la présence de croûtes séro-cellulaires. L’histopathologiste conclue à une dermatite ulcérative et éosinophilique diffuse marquée.

Les causes primaires du complexe granulome éosinophilique félin sont variées, mais il s’agit principalement de causes allergiques, avec des complications bactériennes secondaires. Une démarche d’éviction allergénique (principalement allergie aux piqûres d’arthropodes, allergie alimentaire et allergie aux aéroallergènes) est donc indispensable pour déterminer la cause primaire de ces lésions.

 Traitement

L’objectif du traitement est double : il s’agit de traiter les complications infectieuses secondaires (traitement systémique et traitement topique), et d’établir la cause primaire allergique à ces lésions. Une démarche d’éviction allergénique associée à une antibiothérapie est donc mise en place.

Antibiothérapie : céfalexine 15 mg/kg matin et soir, soit Thérios 60®, 1 comprimé matin et soir pendant 3 semaines.

Traitement topique antiseptique : La chlorexidine est retenue pour son innocuité et son efficacité, sous forme de spray à 2 % (Douxo micro émulsion®) 3 fois par semaine.

Éviction parasitaire : nitenpyram (capstar® 11,4 mg) 1 comprimé par mois, et fipronil associé à du S-méthoprène en spot-on (frontline combo®) à raison d’une pipette toutes les 3 semaines et un traitement de l’environnement  avec une association de perméthrine et de pyriproxifène (Tiquanis habitat®).

Éviction alimentaire : Aima recevait déjà une alimentation à base d’hydrolysats protéiques Royal Canin Hypoallergénique® depuis plusieurs mois, mais elle doit être confinée et ne plus sortir pendant le régime d’éviction afin de s’assurer de la prise exclusive de l’aliment hypoallergénique.

Traitement antiprurigineux : la prednisolone est choisie à dose anti-inflammatoire compte-tenu de la composante éosinophilique des lésions, soit 2 mg/kg/ jour pendant 1 semaine puis 1,5 mg/kg/jour 1 semaine puis 1mg/kg/jour 1 semaine.

Une chaussette en jersey est fabriquée pour protéger le corps des automutilations engendrées par le grattage effréné (photo 9).

Photo 9: Aima et son jersey.

Suivi et évolution

J + 3 semaines: Aima reçoit ce jour 1,5 mg/kg/j de prednisolone et la céfalexine. Elle se gratte beaucoup moins, et le propriétaire rapporte un prurit évalué à 3/10, mais dit que s’il retire le jersey, elle se lèche beaucoup.

Cliniquement, on remarque une amélioration des lésions avec une

régression nette de la taille et de la nécrose des ulcères des flancs (photo 10).

Les érosions sur la tête ont totalement régressé (photo 11).

Photo 10: lésions moins étendues et rarement ulcératives, la nécrose a régressé.

Photo 11: Vue rapprochée: les lésions d’érosions et de croûtes ont totalement régressé.

On décide de réduire la dose de prednisolone et de voir si le régime d’éviction et le traitement antiparasitaire rigoureux suffisent à la rémission. La céfalexine et la prednisolone à 1 mg/kg/jour sont continuées jusqu’à la visite de contrôle 2 semaines plus tard.

J + 5 semaines: Aima est revue car les lésions s’aggravent malgré le traitement antiparasitaire rigoureux et le régime d’éviction. La rechute clinique est probablement à relier à la réduction de la dose des glucocorticoïdes.

L’administration de ciclosporine (Atopica®) à raison de 25 mg/jour est préconisée, après vérification de son statut FeLV-FIV qui s’est avéré négatif, le propriétaire étant bien informé des effets secondaires possibles et du coût du traitement. Il est également recommandé de continuer l’aliment à base d’hydrolysats et le traitement antiparasitaire strict. La céfalexine est stoppée. En revanche, les soins topiques sont maintenus.

J + 10 semaines: Aima reçoit depuis 4 semaine 25 mg/j de ciclosporine. Elle est améliorée cliniquement, le jersey peut être retiré en présence du propriétaire sans qu’Aima ne se gratte et se lèche de façon effrénée. Le propriétaire ne rapporte aucun effet secondaire digestif. En revanche, ce dernier avoue ne plus lui donner l’aliment hypoallergénique depuis 1 semaine et la laisse sortir dans le jardin.

L’aspect lésionnel est en nette amélioration, les érosions sont restreintes aux flancs et de taille réduite (photo 12).

Photo 12: Après 4 semaines de ciclosporine 25 mg/j. Début de repousse du poil et régression des ulcères.

L’allergie alimentaire peut être écartée, un test de provocation ayant été réalisé incidemment par le propriétaire. Cette provocation alimentaire n’a pas engendré de rechute, et la régression des lésions a continué de progresser.

Il est décidé de continuer la ciclosporine à la dose de 25 mg/jour, les soins topiques à base de Douxo microémulsion® à raison de deux fois par semaine et le traitement antiparasitaire de Frontline combo® toutes les 4 semaines.

J + 14 semaines : Le propriétaire ne lui met plus le jersey, elle ne se

Photo 13: Après 2 mois de ciclosporine à 25 mg/j.

gratte plus, les lésions ont totalement régressé et le poil repousse normalement (photo 13).

Il est décidé de conserver la dose mais diminuer la fréquence d’administration de la ciclosporine à raison de 25 mg 3 fois par semaine, avec une visite de contrôle un mois plus tard.

J + 19 semaines : Aima est revue 5 semaines après la réduction de la fréquence de la ciclosporine. Elle a retrouvé un pelage normal et ne se

Photo 13: Après 1 mois de ciclosporine à 25 mg 3 fois par semaine.

gratte plus (photo 14).

Il est décidé de réduire encore la fréquence d’administration de ciclosporine à raison de 25 mg, 2 fois par semaine pendant 4 mois.

À ce jour, Aima reçoit 25 mg 2 fois par semaine. Elle se porte bien, elle n’a pas rechuté et supporte très bien la ciclosporine. Le propriétaire est soulagé, mais ne souhaite pas aller plus loin dans l’investigation allergologique, le traitement à la ciclosporine lui convenant très bien.

 

Discussion

Le complexe granulome éosinophilique félin (CGEF) demeure un sujet encore mal connu et une source d’échecs thérapeutiques. Il se présente sous 3 formes cliniques : l’ulcère atone, la plaque éosinophilique et le granulome éosinophilique. Ces trois formes peuvent être présentes de façon concomitante sur le même animal [1, 2, 4].

Les causes du CGEF ont fait l’objet de nombreuses spéculations, mais l’état allergique est la cause la plus souvent mise en avant. Les facteurs allergiques les plus couramment cités sont l’allergie aux piqûres de puces, l’intolérance alimentaire, la dermatite atopique et l’allergie aux piqûres de moustiques. Le diagnostic est basé sur l’aspect clinique des lésions, la cytologie de surface avec un profil éosinophilique marqué, l’examen histopathologique et surtout le diagnostic étiologique [2].

Dans notre cas, les lésions que présentait Aima étaient assez caractéristiques de la plaque éosinophilique, avec une nécrose centrale importante. Cette entité n’est généralement pas prurigineuse. Cependant, les lésions peuvent devenir très inflammatoires lors de léchage important et engendrer de vives démangeaisons.

L’éviction parasitaire a été bien menée. Le régime d’éviction a été réalisé correctement, suivi d’un test de provocation, puisque le propriétaire a, de sa propre initiative, arrêté l’aliment à base d’hydrolysats de protéines après 10 semaines de confinement et a réintroduit l’ancien aliment. Aucune rechute n’a été observée. L’intolérance alimentaire est de ce fait peu probable.

En conclusion, on ne peut pas exclure une allergie aux piqûres d’arthropodes, ni une atopie. Toutefois le CGEF peut aussi être idiopathique.

Le traitement est d’abord symptomatique, avec les glucocorticoïdes en première intention à dose anti-inflammatoire. À plus long terme, ou en cas de mauvaise réponse, la ciclosporine a fait ses preuves, à la dose de 7 mg/Kg/j. L’AMM pour le chat a été obtenue récemment. Cette molécule constitue une excellente alternative à la corticothérapie en diminuant le prurit de façon notable, et est envisageable sur le long terme, sans que ses effets secondaires constituent un frein à son utilisation [3, 4].

Une étude prospective randomisée, réalisée en double aveugle versus placebo, datant de 2015 a testé le traitement des plaques éosinophiliques et des ulcères atones avec l’association amoxicilline-acide clavulanique. Les résultats montrent une diminution significative des lésions des lots de chats sous amoxicilline-acide clavulanique, alors que le placebo ne permet pas de rémission significative. Cette étude ouvre de nouvelles perspectives dans le traitement du CGEF, non plus par des anti-inflammatoires ou antiprurigineux, mais par cet antibiotique, même si aucune complication infectieuse n’est observée. 

Dans le cas d’Aima, la diminution de la dose de glucocorticoïde a probablement favorisé l’aggravation clinique observée à 5 semaines de traitement. Cette mauvaise réponse a motivé la prescription de la ciclosporine. Le coût n’était pas un frein pour le propriétaire. Aima a répondu de façon excellente, avec une amélioration notable au bout de 4 semaines, et une guérison clinique avec repousse du pelage au bout de 8 semaines. Aima ne présente pas d’effets secondaires, et ne rechute pas malgré la diminution de fréquence d’administration de la ciclosporine.

En conclusion le CGEF est un syndrome cutané secondaire à une affection sous-jacente. Il est donc important, après l’avoir diagnostiqué, de traiter les lésions cutanées mais aussi de rechercher la cause afin d’obtenir une rémission durable et l’absence de récidive. Cependant dans de nombreux cas, le CGEF est idiopathique.

Bibliographie

  1. Polycopiés CES 8, 2012.
  2. CHIVALLIER L., BORDEAU W. Complexe granulome éosinophilique félin : comment le diagnostiquer et le traiter efficacement ? Prat. Vét. Anim. Comp., 2007, n°44
  3. GUAGUERE E., BENSIGNOR E. Thérapeutique dermatologique du chien, 2002, Editions MASSON, Paris, 260 pages.
  4. GUAGUERE E., PRELAUD P. Guide pratique de dermatologie féline.2000, Edition MERIAL, 200 p.
  5. WILDERMUTHB. E., et coll. Response of feline eosinophilic plaques and lips ulcers amoxicillin trihydrate-clavulanate potassium therapy : a randomized, doubleblind placebo-controlled prospective study. 2011, Vet. Dermatol. 23, 110-118.

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